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Vivre, aimer et espérer

Prédication du dimanche 1er novembre 2020 à propos de Jérémie 29/1, 4 – 7 et 10-14

De Jérusalem, le prophète Jérémie adressa une lettre   à tous les conseillers, les prêtres, les prophètes, et à l’ensemble des gens que Nabucodonosor avait déporté de Jérusalem à Babylone. « Voici ce que déclare le Seigneur de l’univers, Dieu d’Israël, pour tous ceux qu’il a fait déporter de Jérusalem à Babylone : “Construisez des maisons pour vous y installer ; plantez des jardins pour vous nourrir de ce qu’ils produiront. Mariez-vous, ayez des fils et des filles ; mariez vos fils et vos filles, et qu’à leur tour ils aient des enfants. Devenez ainsi nombreux là-bas, ne diminuez surtout pas! Cherchez à rendre prospère la ville où le Seigneur vous a fait déporter, et priez-le pour elle, car plus elle sera prospère, plus vous le serez vous-mêmes.” «Et maintenant, voici encore ce que le Seigneur déclare: “Quand le royaume de Babylone aura duré soixante-dix ans, alors j’interviendrai pour vous et je réaliserai le bien que je vous ai promis: je vous ferai revenir ici, à Jérusalem. Car moi, le Seigneur, je sais bien quels projets je forme pour vous; et je vous l’affirme: ce ne sont pas des projets de malheur mais des projets de bonheur. Je veux vous donner un avenir à espérer. Si vous venez alors m’appeler et me prier, je vous écouterai; si vous vous tournez vers moi, vous me retrouverez. Moi, le Seigneur, je vous le déclare: si vous me recherchez de tout votre cœur, je me laisserai trouver par vous. Je vous rétablirai, je vous ferai sortir de chez toutes les nations et de tous les endroits où je vous ai dispersés. Je vous rassemblerai et je vous ferai revenir en ce lieu d’où je vous ai fait déporter”, déclare le Seigneur. (Jérémie 29/1, 4 – 7 et 10-14)

C’est un temps d’épreuve, un temps d’effondrement, un temps de catastrophe… pour les Hébreux en ce temps-là. Jérusalem, leur capitale, a été mise à sac par les Babyloniens, le Temple, centre de la vie religieuse et spirituelle est détruit, le roi, la reine, les hauts fonctionnaires, les artisans, ont été déportées à Babylone. C’est peu de dire que les Hébreux ont été vaincus, c’est pire encore, ils sont anéantis. Non seulement la destruction est totale, mais en déportant les élites sociales, intellectuelles et religieuses,  l’ennemi leur enlève même tout espoir de relever la tête, toute possibilité de résister, de se révolter, de reconstruire. On peine à imaginer la souffrance de ce peuple qui vient de subir une guerre avec son cortège de violences et de destruction, qui a perdu sa capitale politique et religieuse et qui ne voit s’ouvrir devant lui qu’un avenir de servitude et de soumission, sans la moindre lueur d’espoir.

Aux Hébreux, comme à tous ceux qui sont confrontés à une catastrophe, au mal, à la souffrance se pose la question de comment vivre, comment poursuivre, comment retrouver du sens à la vie avec la difficulté supplémentaire qu’il leur faut trouver comment composer avec l’ennemi qui est devenu leur maître.

C’est dans ce contexte que le prophète Jérémie écrit et, dans le désespoir qui écrase son peuple, ses mots veulent initier l’élan d’une incroyable espérance, mais le prophète commence peut-être de manière un peu paradoxale, car d’abord il leur dit : « Construisez des maisons pour vous y installer, plantez des jardins pour vous nourrir de ce qu’ils produiront. Mariez-vous, ayez des fils et des filles ; mariez vos fils et vos filles et qu’à leur tour, ils aient des enfants. Devenez aussi nombreux là-bas, ne diminuez surtout pas ! »

On peut trouver ces paroles un peu étranges dans la bouche d’un prophète d’Israël, car ce qu’on entend d’abord, même si ce n’est pas dit, c’est que l’exil va durer, deux générations au moins. Il n’y aura pas d’amélioration immédiate, pas de dénouement miraculeux comme dans les films d’Hollywood. Ils sont en exil et ils vont y rester, longtemps, et ça n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour les Hébreux. Ce n’est certainement pas ça qu’ils avaient envie d’entendre. Mais c’est la réalité et le prophète ne cherche pas à la masquer, ni à l’amoindrir, il veut au contraire regarder les choses en face. C’est dur, mais en même temps, c’est le signe que le prophète prend son peuple au sérieux, ne cherche pas à le bercer de douces illusions : le désastre est là, il ne disparaitra pas en un claquement de doigt et maintenant ? Et maintenant le prophète les invite à vivre, à ne pas se laisser abattre. Vivre, ne pas être passif, ne pas être résigné. Profiter des seules libertés qu’il leur reste, construire des maisons, planter des jardins pour en manger les fruits, se marier, avoir des enfants qui se marieront à leur tour… Vivre…

Vivre… Et puis poursuit le prophète : «  Cherchez à rendre prospère la ville où le Seigneur vous a fait déporter et priez-le pour elle, car plus elle sera prospère, plus vous le serez vous-mêmes. » Voilà qui peut sembler plus étrange encore… Le prophète les encourage-t-il à collaborer avec l’ennemi ? Pas tout à fait, car collaborer avec l’ennemi, c’est renoncer à être soi-même, pour servir l’ennemi. Or le prophète ne les incite pas à renoncer à ce qu’ils sont, pour servir les Babyloniens, au contraire, il veut inciter les Hébreux déportés à être pleinement ce qu’ils sont, c’est-à-dire à vivre leur foi là où ils sont, en choisissant de tourner le dos à la violence et à la colère pour choisir la paix et l’amour. Fuir la colère et la violence, aimer sans condition, rechercher le bien-être de la ville où ils sont exilés et prier pour ses habitants.

Vivre et aimer… pas par faiblesse, pas par complaisance, mais pour que le lieu de leur exil ne soit pas un lieu de mort, mais un lieu de résurrection, pour qu’après le passage par la vallée de la mort, ils retrouvent le chemin de la vie. Vivre et aimer, comme un refus de la démission et de la disparition, car le chemin n’est pas terminé, poursuit le prophète : quoi qu’aient fait les Babyloniens, quoi qu’ils fassent encore, ils ne peuvent pas anéantir l’espérance, pas la vraie espérance, c’est-à-dire celle qui se fonde en Dieu. Et le prophète poursuit par une promesse de Dieu qui annonce la libération des captifs et leur retour en Israël. Vivre, aimer, espérer, c’est-à-dire en fait avoir confiance en Dieu et savoir que des fruits à venir ne dépendent pas de nous, mais du Seigneur.

Au jour d’aujourd’hui, nous ne sommes pas menacés de déportation par les Babyloniens, probablement d’ailleurs ne sommes-nous menacés par aucune guerre, par le terrorisme oui hélas, mais ça n’a pas l’ampleur d’une guerre. Mais d’autres catastrophes menacent : des catastrophes climatiques et environnementales provoquées par tous les dérèglements que nous avons-nous-mêmes causés. On entend parler régulièrement dans les médias de montée des eaux, de tempêtes, de désertification de certaines régions du monde, de pénurie d’eau (surtout potable)… Et puis, il y a le COVID et ses conséquences qui brusquement nous plongent dans l’incertitude du lendemain, qui va nous isoler ces prochaines semaines et qui nous fait prendre conscience que nous sommes fragiles et mortels, que la vie est à la fois précieuse et dangereuse. On peut se sentir bien désarmés, angoissés, inquiets, désemparés. Comment faire, comment vivre ? Face à ces inquiétudes et questionnements, je crois que ce texte peut nous encourager et nous ouvrir des chemins possibles :

Vivre d’abord… Ne pas se laisser abattre… Vivre, pas faire comme si de rien n’était, ça ce serait du déni ou de l’inconscience, non vivre de telle manière que la vie demain soit possible et belle. Martin Luther disait que s’il savait que demain est la fin du monde, aujourd’hui, il irait dans son jardin et y planterait un pommier. C’est de cet ordre-là. Vivre.

Aimer, c’est-à-dire agir avec amour, refuser la haine, la violence, l’indifférence, le repli égoïste sur soi-même, l’inaction, pour agir avec courage, avec bienveillance, avec sagesse, avec tendresse pour ce monde et cette humanité. Vivre, aimer, c’est-à-dire, penser, agir, prier, lire la bible, faire le bien,… faire ce qui dépend de nous pour que la vie demain soit possible et belle.

Et enfin, espérer, c’est-à-dire avoir confiance en Dieu et en son amour pour ce monde qu’il a créé et cette humanité qu’il chérit avec tendresse depuis le commencement du monde. Alors, au lieu d’être effrayé par ce qui nous parait inéluctable, nous participerons paisiblement mais activement à l’œuvre de Dieu, du mieux que nous pourrons, en remettant nos vies et le monde entier entre ses mains. Nous vivons un temps d’épreuve, mais nous ne sommes pas tous seuls. Dieu est à nos côtés et nous appelle à la vie. Que Dieu nous donne de trouver en Lui les forces pour vivre et surmonter toutes nos épreuves!